Biographie
On a qualifié
le scientifique et compositeur canadien Hugh Le Caine (1914-1977)
de "héros" de la musique électronique.
Il a grandi à Port Arthur (maintenant Thunder Bay) dans
le nord-ouest de l'Ontario. Très tôt, il a commencé
à construire des instruments de musique et à expérimenter
avec des appareils électroniques. Dans sa jeunesse, il
imaginait des "sonorités merveilleuses" qu'il
pensait pouvoir réaliser à l'aide de nouvelles inventions
électroniques.
Hugh
Le Caine travaillant dans le laboratoire de physique de l'Université
Queen à Kingston en Ontario, en 1938
Après
l'obtention de son diplôme de maîtrise en science
à l'Université Queen en 1939, il s'est joint au
Conseil national de recherche du Canada (CNRC) à Ottawa.
Il a travaillé au développement des premiers systèmes
de radar et en physique atomique, se distinguant comme scientifique
et publiant d'importants articles dans ces domaines.
Chez lui, il
poursuivait ses recherches en musique électronique et en
génération de son. Il a monté son studio
personnel en 1945 où il a débuté son travail
indépendant sur la conception d'instruments de musique
électroniques tels que la sacqueboute électronique,
un instrument monophonique très élaboré qui
est maintenant reconnu comme le premier synthétiseur contrôlé
par tension. Par la suite, Le Caine a développé
des systèmes de contrôle par tension pour une grande
variété d'applications.
En 1948, Le Caine
est parti en Angleterre pour quatre ans où il a fait des
études en physique, poursuivant son travail en musique
électronique à son retour au Canada. Grâce
aux démonstrations publiques de ses instruments, il a obtenu
la permission de déplacer ses activités musicales
au CNRC et de s'y consacrer à plein temps en 1954. Pendant
les vingt années qui ont suivi, il a construit plus de
vingt-deux nouveaux instruments différents. Il a collaboré
au développement de deux des premiers studios de musique
électronique à l'Université de Toronto (inauguré
en 1959) et à l'Université McGill à Montréal
(inauguré en 1964).
Le laboratoire
de Le Caine au CNRC a fourni pratiquement à lui seul l'équipement
pour ces deux premiers studios. Les composantes de la saqueboute
ont été séparées en unités
indépendantes - ou modules - permettant au compositeurs
de leur assigner une tâche spécifique au sein d'un
ensemble. Le Caine a enseigné aux deux universités
et a influencé toute une génération de compositeurs
de musique électroacoustique.
Ses nombreux
articles et démonstrations personnelles ont eu un effet
catalyseur dans la communauté canadienne et internationale.
Il a exercé une influence indirecte sur le développement
du synthétiseur modulaire Moog par l'entremise de Gustav
Ciamaga, qui était familier avec les filtres de Le Caine
et qui a par la suite encouragé Robert Moog à développer
son filtre passe-bas contrôlé par tension.
Un des aspects
les plus importants des instruments de Le Caine est sans doute
leur efficacité pour la performance, leur maniabilité.
Son obsession pour le "beau son" l'a conduit à
concevoir des instruments capables de produire un jeu expressif
nuancé caractéristique de la tradition orchestrale.
Il avait un sens aigu des besoins de l'interprète afin
que celui-ci puisse exécuter les gestes qui, selon Le Caine,
constituent l'essence de la musique.
À cet
égard, la sensibilité au toucher a été
un élément essentiel et a été utilisée
pour les claviers, les mixeurs et autres composantes, sous des
formes d'application mécanique, électronique et
au moyen de la sensibilité à la lumière.
Sur ce point, les conceptions de Le Caine étaient tellement
avancées que certaines des possibilités qu'il a
développées n'ont connu d'application commerciale
que dans les années 1980.
Idéalement,
un instrument de musique devrait offrir de bonnes qualités
sonores et une certaine flexibilité dans son contrôle.
Or ces deux objectifs ne sont pas toujours compatibles. Les instruments
traditionnels exigent habituellement une longue formation avant
que l'interprète puisse tirer parti de leurs qualités
musicales. Dans la conception de ses instruments électroniques,
Le Caine a tenté de mettre l'accent sur la maniabilité
de l'instrument sans compromettre l'intégrité de
la musique. Chacune de ses créations est une étude
unique sur l'équilibre et le raffinement. Sur le CD,
HUGH LE CAINE, COMPOSITIONS, DOMONSTRATIONS 1946-1974, nous
pouvons entendre les enregistrements réalisés par Le Caine,
où il explore et fait la démonstration des possibilités
qu'offrent huit de ses instruments.
Dripsody, sa
composition de 1955 construite à partir du son d'une seule
goutte d'eau, compte encore parmi les exemples les plus joués
de musique concrète. Malgré l'accueil favorable
que ses compositions ont à juste titre connu,
Le Caine a conservé une attitude critique à leur
égard : "Je ne me considérais pas comme
un compositeur. Toutefois, j'ai senti que la seule façon
de comprendre l'intérêt du compositeur pour un instrument
était de l'utiliser moi-même dans les différentes
formes musicales actuelles."
Son humour dépréciateur
à l'égard de lui-même est évident dans
certains des titres qu'il a donnés à ses compositions,
tel que A Noisome Pestilence (le titre est un calembours :
l'anglais "noisome" signifie répugnant ou fétide,
mais suggère également "noise" qui signifie
bruit, d'où la traduction adoptée, "Une peste
bruyante"). Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait
nommé sa première composition Dripsody, il a répondu :
"Parce qu'elle a été écrite par une
goutte."
Hugh
Le Caine entouré de ses inventions dans son laboratoire
du Conseil national de recherche en 1974
Dans les études
présentées sur le CD, nous retrouvons la même
imagination et la même originalité qui caractérisaient
les instruments eux-mêmes. Ces enregistrements illustrent
la gamme étendue des techniques dont Le Caine fut l'un
des instigateurs, tout en nous donnant un aperçu de sa
personnalité et de son humour.
Bien que les
instruments de Le Caine soient discutés individuellement,
ils étaient conçus pour être utilisés
ensemble, dans des configurations variant selon les situations,
un contrôlant l'autre ou encore un fournissant le matériau
sonore à l'autre.
Des modules tels
que le clavier à touches sensibles ont été
intégrés à divers instruments et utilisés
pour des tâches variées. L'intelligence et la perspicacité
des idées de Le Caine devraient encore jouir d'une certaine
reconnaissance. Pour s'en convaincre, il n'y qu'à rappeler
son commentaire de 1966 à l'effet que "ce que le compositeur
de musique électronique doit développer par-dessus
tout n'est pas la compréhension des appareils, mais une
nouvelle compréhension du son."
Le Caine a pris
sa retraite du Conseil national de recherche en 1974, après
l'échec du projet de production de la saqueboute.
Le Caine est mort
en juillet 1977 des suites de blessures subies lors d'un tragique
accident de motocyclette survenu le 4 juillet 1976.
Plus bas :
Excentricités
Sur ce photomontage,
on peut voir Hugh Le Caine au milieu de gigantesques fleurs. Au
milieu des fleurs de son jardin, il avait installé une
photo grandeur nature de lui-même, montée sur carton,
et a ensuite photographié le tout. Le Caine exhibait fièrement
cette photo à ses collègues pour leur montrer la
taille de ses fleurs.
«Zinnias
géants à fleurs de dahlia»
Le Caine était
passionné de randonnées à haute vitesse en
motocyclette sur les autoroutes canadiennes. Il impressionnait
ses collègues en établissant des records de vitesse
sur des trajets entre Montréal et le nord de l'Ontario.
Le
Caine avec sa motocyclette, en 1948.
Le jardin derrière
la maison de Le Caine où une profusion d'arbres et de buissons
entouraient une allée en briques et un patio. Il n'y avait
pas de pelouse derrière ni devant la maison.
La
maison de Le Caine. |